1. |
La chambre
03:35
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J'écris
sur les murs de la chambre
ce qu'il faut arracher
pour monter puis descendre
ce qu'il faut de colère
ce qu'il faut de rancune
pour épingler ta lune
à mon tableau de guerre
Je me roule sous la table
avec un chien boiteux
tous les deux, on est bien,
on est presque amoureux
le monde passe par la fenêtre
j'ai perdu l'appétit
je vomis cette lettre,
j'espère que tu la lis
Nous étions tous deux ivres
à marcher sous la pluie
c'était une de ces nuits
où l'on sait ce que c'est
que de vivre où l'on sait
les couleurs et l'odeur
s'il fallait qu'on l'écrive
tu m'as payé un verre
je te faisais marrer
avec mes grandes godasses
et mon chapeau troué
je garde en gorge la crasse
que je t'ai racontée
Et j'écris
sur les murs de la chambre
ce qu'il faudrait brûler
pour entendre tes talons
claquer dans l'escalier
avec de grands ciseaux
je me découpe un sourire
si tu veux revenir...
Tu dois être jolie
sur un boulevard immense
à Paris à Byzance
tu dois être jolie
des idiots te courtisent
tu les toises sûrement
on n'achète pas le printemps
on l'attend
J'écrirai,
sur les murs de la chambre,
du salon, du grenier,
que la vie est très belle
que ce monde est parfait
je lâcherai mes ciseaux
et mes bouteilles brisées
j'arrêterai de hurler
que la nuit nous rend fous
que les chiens sont partout
je ramasserai les morceaux
je me tiendrai debout
ou couché, à la niche,
je m'en fiche je m'en fous
t'es ma vieille cicatrice
t'es la corde à mon cou.
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2. |
Quand bien même
04:24
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Il suffirait d'aller
et de tenir encore,
juste tenir le bord
et ne pas s'effondrer
c'est que ça tabasse en face,
on n'a plus le goût de rien
c'est des gamins qu'on casse
aux quatre coins du jardin
comment veux-tu frangine,
comment veux-tu demain ?
Des tarés qui s'échinent
aux usines à plus rien
Comment veux-tu demain ?
Comment veux-tu le jour ?
Au secours des matins,
que peut donc l'amour ?
Quand bien même,
et à quoi bon ?
C'est ton coeur qui se couche
quand l'hiver se fait dur
à lorgner les fissures,
n'oser qu'ouvrir la bouche
je veux demain debout,
je veux demain vaillant
pour qu'un jour nos enfants
puissent nous traiter de fous
le monde s'écroule déjà,
vas-tu suivre la danse ?
Vas-tu moquer la chance,
vas-tu baisser les bras ?
Brave ton innocence
et ris donc aux éclats,
si du feu des combats
renaît l'or de l'enfance.
Quand bien même,
et à quoi bon ?
Quelle enfance saurait
germer dans le fracas
dans le pire que l'on sait,
que l'on oublie déjà
Quel est donc ce mirage
qui te donne l'espoir
quand tout autour l'histoire
n'annonce que l'orage
Où sont-ils tes demains ?
Où sont-ils tes beaux jours ?
Du Brésil au Darfour,
combien d'autres gamins
n'auront pas notre chance,
n'auront plus que le pire
faudrait-il donc sourire
quand on sait la souffrance.
On ne peut que sourire,
on ne peut que s'aimer
Se battre et puis mourir,
comme meurt l'été
Ne pas baisser les yeux,
et donner en partage
les clés de toutes les cages,
et les graines du mieux.
Quand bien même,
et à quoi bon ?
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3. |
Les chardons
04:09
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À la lumière des villes,
et des bourgades paumées,
on se blottit un peu,
on se laisse couler...
On fronce les sourcils,
on s'entend rire du feu
on racle nos guenilles,
on creuse nos terriers...
J'ai encore un peu d'ombre
agrippée aux chevilles
mais j'ai trouvé famille
aux détours d'une tombe
où les anciens riaient
où la marmaille combat
les éclats hérités
de nos derniers ébats
Le monde est en fanfare,
claque ses cymbales tarées
qu'on s'ignore, qu'on s'esquive,
qu'on s'enlace au chevet
Nos piaules sont des châteaux,
qu'on s'y love en secret
qu'on s'y torde qu'on y vive
qu'on nous foute donc la paix
Quand je t'ai rencontrée
j'étais fier d'être esclave
je dormais au gibet
sous la lune blafarde
tu m'as offert tes lèvres
et le goût de la guerre
on ne laissera plus faire
les arracheurs de rêves
Les frangins aux cachots
savent le goût du vide
que vos chefs vos caïds
tricotent sous les bureaux
Ramassez vos breloques,
vos fatras de papiers
vos cargos de plastoc,
c'en est trop c'est assez
Les gamins sont en rogne
vous l'aurez deviné
votre maréchaussée
se passera de bagnole
feu de joie feu tout court,
outrages et ricochets
quelques lettres d'amour
écrites sur les pavés
Que veux-tu la vie va,
et se réjouit d'aller
se frotter au fracas
des illusions d'été
mon amour regarde-les
se tordre pour aller droit
droit au fond de leur trou
les yeux vides, le coeur bas
Nous saurons dire adieu
nous saurons leur apprendre
qu'à pousser dans la cendre
les chardons mordent mieux.
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4. |
Marguerite
03:37
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Sans que personne ne l'accorde
moi je laisse tomber ce poème
sur le pavé, à tes pieds
on va pousser la rengaine
dans ces rues
où l'on ne fait que passer
moi j'ai trouvé une fleur
poussée d'entre deux pavés
elle est ma petite soeur
Marguerite ou primevère
je ne lui demande pas ses papiers
elle est ma petite soeur
elle est ma fleur préférée
C'est celle qu'on chante au petit matin
celle qu'on ne veut pas voir faner
celle qu'on n'a même pas plantée
qu'on ne sait même pas d'où elle vient
et cette fleur toi ma jolie
je te la ferai sentir
et dans nos éclats de rire
ben on s'aimera
ouais on s'aimera,
comme à Paris.
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5. |
La Loire
04:33
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Il est déjà douze heures,
au zénith c'est la merde
il est déjà douze heures,
le soleil se fait la belle
si c'est pas lui ce sera moi,
si c'est pas elle ou toi
ce sera qui, dis-moi
Dis-moi ces mots
qui me rappellent
tout ce qui est beau
et qui se chante
dis-moi la mer, dis-moi le ciel
dis-moi en trop, dis-moi pareil
il faut que je chante
Alors ok ce sera toi,
pas de bouteille cette fois
ou une petite entre deux mots
mais pas longtemps
Sur le comptoir des échoués,
y'a trop d'amours empaillées
trop de voyages entassés,
qui se sont enduits de paresse
des vieillards y sont accoudés,
et les sirotent sans y penser
ils ont déjà joué l'allégresse,
des rues remplies de chiens crevés
c'est tout ce que le temps leur laisse,
et quelques photos chiffonnées
et le sourire de leur maîtresse
accrochée au bras du banquier
Alors ok ce sera toi,
pas de bouteille cette fois
ou une petite entre deux mots
mais pas longtemps
Assis sur le bord d'une Loire,
je bois une 8.6 en rigolant
je mate les canards
qui voudraient me voir
jeter des miettes de pain au vent
je leur crache au bec, c'est trop facile
d'avoir la Loire de son coté
moi j'ai que les flics et leur sale ville
remplie de corps décapités
qu'on entasse dans les vitrines,
en les fringuant de soie pailletée
faudrait cramer toute cette usine
et faire l'amour sur la chaussée
Avec toi ça va de soi,
t'es ma perle de bonheur sacrée
dans leurs décors dégueulasses,
on cramera pour l'éternité
La nuit vient de tomber sur la table
avec ses couleurs cendriers
bouteilles de crasse vénérable
dressées dans l'obscurité
ce soir on sort ma chérie,
on va faire glisser nos carcasses
dans les reflets, dans la folie
des néons froids de leurs cités
avec les fantômes qui passent,
on sera les rois de cette farce...
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6. |
Rue Froide
05:02
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J'allume un feu dans ma mémoire
certaines choses doivent tomber
je me repose dans le brasier,
dans l'immensité d'un tiroir
Où sont mes pognes où sont mes yeux
dans le reflet de ce foutu miroir
Quelle enfance a pu donc y croire
Quel vieillard sera ce morveux
Et recroquevillé dans l'histoire
je me souviens de chaque hiver,
de chaque coquard, de chaque calvaire,
de chaque baiser du hasard
Certaines choses doivent tomber
et s'effacer de la boite noire
J'allume un feu dans ma mémoire
et je l'écoute crépiter
[refrain]
Te souviens-tu de cette rue
te souviens-tu de l'odeur des murs
qu'on voulait draper de peinture
et de couleurs inconnues
et dans mon crâne j'escalade
la gouttière qui mène à ta chambre
Te souviens-tu de ce mois de novembre
où nous vivions tous à Rue Froide
Bien sûr tous les visages s'emmêlent
et j'oublie jusqu'à ton prénom
ce qu'on chantait dans les ruelles
putain même le goût du Picon !
On se pavanait dans quel quartier
grands seigneurs vautrés sur le trottoir
blouson noir rangers débraillées
à s'élancer sur quel boulevard
Combien de fois l'équipe du soir
a pu embarquer des frangins
Combien de lames combien de poings
auraient bien mis fin à l'histoire
[refrain]
Ce soir j'attends le prochain soleil
dans les cendres de nos illusions
L'incendie s'éteint et je veille
en me souvenant de cette chanson
Encore une journée qui chavire
je me souviens enfin de ton prénom
je me souviens de tes sourires
quand nous nous aimions sans raison
et je supplie le soleil de se lever
sans effacer cette vision
sans arracher ce bouquet de chardons
que je t'avais offert pour t'épater
je supplie demain de pas flinguer
ce qui reste de toi dans ma mémoire
à peine une esquisse, un crobard
sur la fresque de l'histoire achevée.
[refrain]
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7. |
Le bruit de la ville
03:17
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Miraculée des hécatombes
son corps est un champ de blé cramé,
des tranchées dans le coeur et le monde
se moque de ses pleurs et ses plaies
elle voudrait retourner dans la chambre
où l'on s'endormait en silence
mais l'ambulance de la dernière danse
lui fait du pied depuis décembre
Jamais le bruit de la ville ne meurt
il est cinq heures dans sa cervelle
y'a du verglas et du brouillard
appuie sur l'accélérateur
l'ascenseur te ramène au soleil
mademoiselle s'oublie dans le noir
Elle fait chabrot du vin d'hier
et jette au feu ses vieux poèmes
en se caressant dans l'ombre qui traîne
mam'selle s'endormira par terre.
Dans ses rêves mam'selle est très belle
y'a des fleurs à tous les balcons
elle offre son coeur à des garçons
qu'ont des septièmes ciels rien que pour elle
Jamais le bruit de la ville ne meurt
il est cinq heures dans sa cervelle
y'a du verglas et du brouillard
le futur dans le rétroviseur
où est votre chauffeur mademoiselle
l'aube est cruelle comme un poignard
Demain elle s'en ira flâner
sur les boulevards des belles histoires
s'en ira vider tous les bars
et rentrera à pas chassés
elle s'endormira peut-être par terre
le sol est un amant fidèle
le temps de rêver d'un revolver,
d'un scalpel pour se tailler les ailes
Et peut-être que la ville lui fera l'honneur
de laisser tranquille sa cervelle
elle pourra bâcler son histoire.
Ça y est, ça y est le jour se meurt
vous pouvez rêver mademoiselle
la nuit vous brise comme un miroir.
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8. |
Jannot
04:57
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Dimanche soir à sa fenêtre
et l'horloge joue avec le feu
Jannot s'amoche contre une cannette
et se penche un peu
la nuit est belle comme une comète
qui viendrait se crasher dans ses yeux
il se fait un trait au dos de l'assiette
et tend sa bouteille au bon dieu
[refrain]
Ce soir c'est grand soir Jannot se barre,
va boxer tous les réverbères
il dégringolera du comptoir
comme une cascade de bière
Jannot s'en cogne, Jannot s'en carre
ce soir c'est la guerre la dernière
il s'y jette la tête la première,
coeur au grand air pour le grand soir !
Pour le grand soir !
Le monde entier dans la caboche
Jannot connaît la suite par coeur
il est cinq heures Paris s'accroche
se prend des taloches par les videurs
une petite soeur s'approche
les yeux noyés dans la liqueur
elle tangue et lui offre une galoche
comme un coup de pioche en plein coeur
[refrain]
L'orage se ramène, l'air est brûlant
la ville dégaine toutes ses chimères et fait semblant,
semblant de que dalle, comme si de rien
comme si demain ne serait pas ce train qui déraille
[refrain]
Ça y est l'aube grise s'éparpille
et la brume hante les ruelles
Jannot s'y glisse et s'y faufile
et la lune se casse la gueule dans le ciel
le dernier néon vermeil vacille
il s'allume un joint au soleil
au pays des merveilles fragiles
Jannot s'éteint contre une poubelle
C'était son grand soir Jannot se barre
à dos de clébard jusqu'en enfer,
s'arrache des ornières de l'histoire
et s'en va boire un dernier verre
à la table du désespoir
Jannot se marre, Jannot est fier,
fier comme un diable Jannot se perd
tête la première pour le grand soir
Pour le grand soir...
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9. |
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À l'angle mort de cette piaule
je vois nos deux corps qui se font caresses
l'hiver s'étend sur ton épaule
janvier comme une laine épaisse
j'enfile ma veste et mon couteau
je passe pour un clodo en ivresse
ma princesse ma chair mon château
on se blottit au fourneau tendresse
[refrain]
On se ramasse un bout de fortune
à se caler au coin de nos poches
on se tient chaud on s'aime on s'accroche
sous les hoquets de la pleine lune
Dans la rue les gamins rigolent
et la flicaille leur fait misère
je leur crache ma colère au lance-pierre
et leur lâche les clebs aux guibolles
va donc voir un peu par ta fenêtre
comment que je t'ai ramené un carrosse
une paire de godasse une cannette
un sac-à-dos avec plein de poches
[refrain]
Je laisse mes angoisses à faisander
dans le fond de l'évier de la cuisine
on rend les clés de cet apart' paumé
aux fabricants de factures intimes
on fraudera le prochain wagon-bar
à regarder filer les boutiques
qui soldent leurs cauchemars en plastique
aux résidents des abattoirs
[refrain]
Le futur se casse la gueule par terre
et s'excuse presque de faire semblant
un fer à cheval en bandoulière
des trèfles à quatre feuilles plein les dents
déserteurs ravis on cavale
on se carapate on se fait la malle
leurs petits sous, leurs petits cinq-cent balles
dans le rétro de notre carrosse bancal
[refrain]
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10. |
Marco
03:45
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On se mate du coin de l'oeil,
au fond de la glace
t'avais pas cette gueule
t'avais pas toutes ces traces
y'a ton regard qui s'efface
et tes dents qu'ont jauni
ouais Marco le temps passe
et mon vieux c'est ainsi
Mais Marco y'a si peu
on avait tant de rêves
mais regarde t'es pas vieux
t'as juste perdu ta sève
tu t'es calé les fesses
sur un coussin moelleux
et t'as fait tes adieux
à nos plus belles promesses
On voulait cramer la ville
avec des poèmes
et puis y'avait cette fille
qui te hurlait « je t'aime »
qu'est-ce qu'elle a pu devenir
cette rousse cinglée
dont la bouche rosée
te couvrait de soupirs
tu voulais lui offrir
le plus haut des châteaux
pour élever vos marmots
à combattre le pire
on voulait tant partir
on rêvait de radeaux
on était les plus beaux
on ne pouvait pas mourir
Mais Marco y'a si peu
on avait tant de rêves
mais regarde t'es pas vieux
t'as juste perdu ta sève
tu t'es calé les fesses
sur un coussin moelleux
et t'as fait tes adieux
à nos plus belles promesses
Et Marco quand j'y repense
t'as peut-être bien raison
on n'était que des petits cons
qui avaient tant de chance
à se rincer tous les soirs
comme des cochons
à trinquer à la Loire
en gueulant nos chansons
mais si tu lèves pas ton cul
de ce fauteuil moisi
je te traîne dans la rue
pour pas que t'oublies
qu'on n'était que des petits cons
mais qu'on était debout
qu'on n'était pas à genoux
à compter les moutons
et si on recherche bien
on recroisera ta rouquine
je suis sûr qu'elle est pas loin
je suis sûr qu'elle est câline
allez viens soyons cons
et ayons de la chance
la vie c'est une danse
c'est une fête une chanson.
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11. |
Le temps
04:52
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|||
Il y a quelqu'un qui tire les heures
je n'ai pas le temps,
pas même le courage
de boucler mes bagages,
sang et sueur,
de boucler mes erreurs,
de les laisser fleurir
en nouvelles idoles
sur les ruines d'un âge
qu'on a laissé pourrir
dans un verre d'alcool
s'il n'est que le beau
pour nous sortir de là
pour nous relever,
s'il n'est que le beau
pour relever le combat
il nous reste alors peu,
qu'un papier froissé
la nuit s'étend à nos côtés
nous enlace et nous ride
de tout son poids
le jour répand
ses aubes avortées
les cases se vident,
on creuse sa voie
mais le temps passe ce salaud
comme des mots qu'on trace
il crache
à la gueule des coeurs,
et en choeur tout seul
il se reflète dans l'eau
comme un tableau
Et les clichés volés,
moments qu'on n'oublie pas,
les baisers esquivés,
et les lèvres et les bras
et les nuits à courir
sous le vent des regrets
à se regarder partir,
à les regarder valser
sous la pluie sous les rires
de poivrots attroupés
autour d'un bar paumé
dans les rues de l'empire
mais le temps passe
Et le temps passe
encore et encore
mais on va l'arrêter, maintenant,
le temps
on va le crever
à coups de poing
à coups de dents
les coeurs en sang
et les yeux révulsés
on va briser sa sale gueule
on se jouera de nos doutes
tu sais quoi rien à foutre
on va briser nos cercueils
et maintenant.
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